Le Président de la CECC demande au ministre John Baird d’intervenir au nom de la population de la vallée de Crémisan près de Bethléem

mardi le 28 janvier 2014


L’honorable John Baird
Ministre des Affaires étrangères
Ministères des Affaires étrangères,
du Commerce et du Développement Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario) K1A 0G2

Monsieur le Ministre,

Je vous écris à titre de président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) pour vous faire part de notre inquiétude concernant le mur de sécurité dans la vallée de Crémisan qui coupera quelque 58 familles chrétiennes de leurs terres agricoles et quelque 400 enfants démunis de leur école. Les évêques de l’Europe, de l’Afrique du Sud et des États-Unis partagent entièrement notre inquiétude comme vous le constaterez à la lecture de la déclaration ci-jointe, émise aujourd’hui par la Coordination des conférences épiscopales en appui à l’Église en Terre Sainte. J’ai participé à la rencontre de la Coordination pour la Terre Sainte de cette année, ce qui m’a permis de visiter des familles de Beit Jala qui seront affectées. Mon prédécesseur à la présidence de la CECC, Mgr Richard Smith d’Edmonton, avait de même visité la vallée de Crémisan l’an dernier dans le cadre de la rencontre de la Coordination pour la Terre Sainte 2013, et en était venu aux mêmes conclusions lui aussi.

Il s’agit maintenant d’un cas d’urgence, d’une part pour des motifs humanitaires en raison de la menace pour les familles de Beit Jala qui sont touchées, et d’autre part, parce que la Cour suprême d’Israël tiendra des audiences sur la question à compter du 29 janvier.

La vallée de Crémisan est située en Cisjordanie du côté palestinien de la Ligne verte et est adjacente aux villes de Beit Jala et de Bethléem. L’État d’Israël projette de réorienter le tracé de la barrière de séparation pour qu’elle passe à travers la vallée de Crémisan. La barrière nuira aux familles dont la subsistance dépend de ces terres, et coupera d’autres familles de leurs terres agricoles et de récréation ainsi que de leurs sources d’approvisionnement en eau. Si la barrière est construite telle que suggérée, il sera pratiquement impossible aux sœurs salésiennes de là-bas d’accomplir leur mission qui est de servir la communauté locale. Les salésiennes dirigent une école qui prodigue de l’instruction à 400 enfants démunis en plus d’offrir des emplois, dont on a bien besoin à l’école, au labour de la terre ou à la récolte de ses produits. En effet, le couvent se retrouvera dans une zone militarisée entourée de tours, de murs et de barbelés sur trois côtés et patrouillée par des soldats armés. Cette zone privera le couvent de la plus grande partie de sa propriété.

D’un seul point de vue religieux, le mur proposé empêchera aussi la tenue de la traditionnelle procession religieuse de mai, qui va de Crémisan à Beit Jala, et la procession de Noël, vieille de plusieurs siècles, qui part du monastère de Mar Elias. La barrière séparera le monastère des salésiens du couvent des salésiennes, et séparera les deux maisons de leurs terres. Le monastère sera en outre coupé de Bethléem. Sa communauté religieuse sera dans l’impossibilité d’embaucher des résidants palestiniens locaux pour prendre soin de sa propriété, de ses vignobles et, plus particulièrement pour travailler à la production du vin. De plus, elle ne sera plus en mesure de tirer revenu de la vente d’huile d’olive, de vin et d’autres produits aux touristes et pèlerins.

En accord avec la position du Saint-Siège, les évêques catholiques du Canada sont conscients des besoins d’Israël en matière de sécurité, et nous appuyons pleinement ce droit. Nous croyons néanmoins que le mur, tel que projeté, ne fera qu’approfondir la plaie qui sépare les Palestiniens et les Israéliens. Avec nos frères évêques de partout dans le monde, nous sommes convaincus que le prolongement du mur suscitera encore plus de scepticisme au sein de la communauté internationale. Tel qu’il est maintenant, le mur de sécurité est déjà perçu par un bon nombre comme un « accaparement » illégal de terres.

L’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte a exprimé sa désapprobation relativement au projet de tracé du mur dans la vallée de Crémisan. Elle déclarait dans son communiqué de presse du 23 octobre 2012 : « La construction du mur projeté augmentera la pression sur le reste des chrétiens vivant à Bethléem. Sans revenu, sans avenir à offrir à leurs enfants, plus de gens prendront la décision de quitter la Terre Sainte. »

Au nom des évêques catholiques du Canada, nous demandons à votre gouvernement de soulever nos objections à l’encontre du prolongement du mur de sécurité dans la vallée de Crémisan, en espérant qu’un changement à l’actuel projet israélien constituerait un pas vers la possibilité que les Palestiniens et les Israéliens vivent dans la paix et la justice. Je serais reconnaissant d’avoir la possibilité de vous rencontrer pour discuter de cette préoccupation ainsi que d’autres questions relatives à la Terre Sainte.

Bien à vous,

Monseigneur Paul-André Durocher
Archevêque de Gatineau et
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada

c.c. : Son Excellence Rafael Barak, ambassadeur d’Israël au Canada
Son Excellence Vivian Bercovici, ambassadrice du Canada auprès de l’État d’Israël
Son Excellence Andrew Bennett, ambassadeur canadien pour la liberté de religion


Lien à la lettre du Président de la CECC (version PDF)

Lien à la déclaration (PDF)